
La notion de pudeur est vraiment une chose complexe.
Bon nombre de personnes, lorsqu’elles ont appris que je tenais un blog se sont montrées surprises de ce qu’elles trouvaient être un manque de pudeur.
Parler de soi leur semble impudique. Soit. Peut-être. Oui. Ok.
Mais ce qu’on donne à voir de soi, au quotidien me paraît être infiniment plus impudique.
Inconscient, mais impudique.
Ce qu’on est, au grand jour est très difficilement contrôlable. Et c’est tant mieux.
Ceux qui parviennent à contrôler sont soit très peu sûrs d’eux, soit gravement pervers. Les gens qui réussissent à « piéger » les autres, c’est-à-dire qui peuvent à moyen terme faire croire qu’ils étaient autre chose que leur réalité sont souvent de purs malades, et ça finit par se voir.
En général, on voit un tas de choses en parlant 5 mn avec autrui. Et énormément au bout d’une petite heure de conversation basique. Qui est à l’aise. Qui doute. Qui est mal avec son corps, qui réfute par principe, qui se sent agressé par tout, qui est bienveillant, qui est triste… Il me semble que, finalement, il est plus facile de maîtriser un contenu écrit qu’un nombre incroyable de facteurs diffus : gestes, intonations, postures, regards, odeurs, formules langagières, et même, ondes… Croire qu’on gère tout ça, qu’on peut être un comédien de sa vie est une jolie illusion, parfois nécessaire, mais le plus souvent nocive pour la personne qui finit par être convaincue qu’on aime son image, pas son « vrai ».
C'est une idée rassurante de se dire "Ils n'ont pas vu que j'étais ému", " j'ai réussi à faire croire que je m'en fous", " Là, j'avais le total look du mec qui assure". Mais c'est une idée fausse. Selon les linguistes, plus de 70 % de nos paroles ne sont pas saisies par notre interlocuteur. Et inversement, un nombre énorme d'informations passent dans le non-langage.
Qu'est-ce qui est impudique ?
Quand le livre de Nadine Trintignant a paru, ce livre sur sa fille, la phrase qu'on entendait partout était "Quelle impudeur !". Ha bon ? De quoi ? De parler de sa douleur ? De son amour ? Et quand bien même ! Quelle importance ? L'important, c'est ce qu'elle dit, le bien que ça lui fait à elle, à ceux qui ont vécu un truc similaire. Qu'elle ait été ou non impudique semble si dérisoire !Elle a bien fait de sauter cet obstacle, elle était au delà de ça et, elle le dit, ça l'a sauvée de la folie.
Alors parler de soi, impudique ? oui, mais on en dit "bien d'l'autre" comme disent les mâmiches lorraines.
Alors, oui, je sais bien que je laisse passer des choses en « aveugle » lorsque j’écris. Je ne maîtrise pas et ne le désire d'ailleurs pas. Oui, peut se faire une idée de moi, vite et bien, pour peu qu’on en ait envie. Mais pas plus qu'en tchatchant cinq minutes avec ma petite personne sur le parking d' Auchan...
C’est le jeu. Je montre, on regarde… Avec bienveillance ou voyeurisme, avec bonhomie ou mauvais esprit... Tant pis. C’est une impudeur qui ne me gêne pas, celle de l’écriture de soi. Comme d’autres. Et l'exercice s'avère intéressant pour moi, tenir ce blog m'a beaucoup apporté (je vous en parlerai plus tard, parce que je vais l'arrêter, passer à autre chose),beaucoup appris, m'a donné plein de plaisir(s). C'est plus fructeux pour moi qu'un journal intime où on n'a pas de distance parce qu'on peut lâcher tout et n'importe quoi. Ca peut vite tourner à la ratiocination...( enfin, je parle pour moi, hein !)
Pourtant, je me suis rendu compte depuis longtemps que j’avais, comme tout le monde, mes pudeurs.
Assez étranges, même à mes yeux.
Je suis, par exemple incapable de parler des chansons qui me touchent vraiment. Vous savez, la fameuse « play list ». Peux pas. Ca, c’est trop. Une chanson, une qui me rend heureuse, modifie mon humeur, me fait pleurer,c' est totalement primitif, intime, animal. Et la bête en moi est moyennement d’accord pour en causer. C’est comme ça.
Et d’autres domaines, tout aussi incongrus pour toi, mon petit lecteur chéri qui me pense extra (vertie).
Exemple, encore ? C'est assez difficile pour moi de dire aux gens que j’aime que je les aime. Pfff, je rame à chaque fois... C'est un tour de force, un vrai challenge. Alors faudra peut être vous contenter d'une ou deux petites fois, mes chéris… Ou savoir lire ailleurs que dans les mots...
PS : à propos de chanson, j'en suis pas fière, mais en ce moment, dans ma tête, c'est
Rika Zaraï, "Kazatchok" : "c'est l'hiveeeeer qui frrrrappe à nautreu porteu, mes amis, ce soir oublions-leeeee"... Ho ! Ta gueule Rika, t'as pas honte ????