El entierro del conde de Orgaz ou "y'a pas du rab?"

Quand on était des d’jeunes, mon amoureux et moi, on a visité l’Espagne. A Tolède, on se serait arraché un bras avec les dents plutôt que de rater, le fameux tableau « El Entierro del conde de Orgaz », du Greco.
C’est à cause du guide Michelin. Trois étoiles, qu’il avait mis, Monsieur Bibendum. Alors, nous, on s’est levé de bon matin et on a fait la queue.
On était pas trop riche alors on s’est dit, c’est gaspacho OU el Greco.
On a choisi El Greco (pas sûr que je ferais le même choix maintenant…)
On a fait la queue.
Et puis une grosse bonne femme très moustachue nous a fait signe de la suivre. Soudain, on était dans une pièce d’environ 5 m2. La senora a alors tiré un rideau et s’est écriée, solennelle : « EL ENTIERRO DEL CONDE DE ORGAZ ! OLE ».
Devant nos yeux ébaubis, UN tableau, un seul. Et puis, vous l’avez vu, vous ne le verrez plus, paf, elle a tiré le tissu dans l’autre sens et nous a poussés vers la sortie, comme chez le psy, par derrière, pour ne pas que tu rencontres tes collègues de travail. Sauf que là, c’était pour que tu ne dises pas aux autres clampins-amateurs d’art : « Attencion, povros connardos, vous allez dépensado vos derniers pesetas et pis c’est l’arnaqua ! ».
Attention, ce n’est pas que je sois une adepte de Monsieur Katbury (je ne sais pas comment ça s’écrit, son petit nom, au fabriquant de chocolat radin) en matière d’art, non, je n’ai pas besoin d’être gavée, mais quand même… Ca m'a fait comme quand tu passes deux heures à te faire jolie pour aller en boum, t'arrives , tu le lances dans un slow langoureux et puis les parents débarquent, ouvrent en grand les portes du garage et te demandent si des fois t'aurais pas des maths à faire.
Il y a deux jours, nous avons vécu une expérience similaire. Comme quoi, on n’apprend jamais rien …
Nous sommes allés à Delme, dans l’ancienne synagogue transformée en galerie d’art. Pour y voir une expo, celle de JEPPE HEIN. Comme le dit l’artiste : « This exhibition in in some way a contribution to the beauty, the ugliness, the stupidity and the cheerfulness in life » (je me suis empressée de lire les petites lettres en dessous, ouf, c’était la traduction : « Cette exposition est en quelque sorte une contribution à la beauté, la laideur, la stupidité et la gaieté dans la vie ».. Ben ça me disait bien de voir ça.
Donc, après quand même 40 bornes dans les virages mosellans (« maman, je vais vomir »), sous une pluie d’Allemagne de l’Est avant la chute du mur, on arrive.
Et là : L’ŒUVRE.
Car il n’y en a qu’une.
Non, mais je critique, mais c’est superbe. C’est un jet d’eau qui se déclenche à l’entrée du visiteur. Et ce jet d’eau est en feu ! Moui ! Super, fascinant, et puis, c’est de l’art pour tous : beau, rigolo, pour les enfants comme pour les grands, au message limpide… Deux minutes d’eau de feu. Chouette (mais ça sent un peu le gaz).
Mais UNE seule œuvre…
On s’est regardés, un peu désoeuvrés : « On fait quoi maintenant ? »
Claude a tenté une idée :
« On va boire un coup ? ». Mais franchement, ça me disait autant que d’aller se promener sur les bords de la Vologne quand on s’appelle Christine Villemin.
- Non, rentrons, on va faire du feu dans la cheminée (oui, je sais, on n’a pas de cheminée…).
- Et si on faisait des crêpes ? a demandé ma pépite.
- On a ce qu’il faut ?
- On a du sucre, des oeufsdelafarinedulaitdunutelladelaconfituredelacompoteducitronduchocolatdelanoixdecocodusiropd’érable.
- Super !
- Et pis on va en faire
PLEIN !