http://lecrivaillonnne.skyblog.com/ Lécrivaillonnne: ô rage, ô désespoir, ô vieillesse (et demie)

jeudi, août 17, 2006

ô rage, ô désespoir, ô vieillesse (et demie)


Quelle peut être la conscience que l’on a de soi-même si on ne prend pas le temps de s’interroger ?
C’est un truc qui me revient souvent quand je rencontre une personne qui a un aspect de sa personnalité totalement outré. Une hypermaniaque, un jaloux pathologique, une langue de vipère, un gémisseur congénital… Sait –elle qu’elle est comme ça ? Est-elle vraiment dans l’innocence d’elle-même ou a t’elle décidé d’assumer ? Minimise t’elle le truc ?
En fait, j’ai le sentiment qu’il y a vraiment des personnes qui s’ignorent. Elles ne se regardent pas. Elles avancent sans voir leur ombre. Et ça se voit vraiment haut et clair quand elles sont vieilles.
A l’adolescence, le remaniement est une étape quasi-obligatoire. Qui ne nous ne s’est pas posé les questions existentielles de base (pourquoi je suis moi, quel état j’erre, pourquoi les poils de mes mollets repoussent-ils si vite…). Apparemment, quasiment personne n’en réchappe, et c’est tant mieux car les rares rescapés du "Pourquoi ai-je toujours un bouton sur le nez quand j’ai rendez-vous avec le beau Hervé Nowak ?"semblent, à l’orée de la quarantaine, atteints d’une phase de régression qui frôle le ridicule (pour leur conjoint, navré de voir leur moitié devenir champion de flipper ou boulimique de gloubi-boulga).
Et puis, c’est tout ?
C’est fini pour la vie ? Cette interrogation salutaire cesse ?

Certaines personnes âgées que j’ai approchées (et honteusement cuisinées, je l'avoue) m’ont raconté qu’à l’âge de la retraite, elles avaient à nouveau ressenti un bouleversement pas seulement hormonal.
Ceux qui avaient été des parents sévères sont devenus des grands parents tellement coulants qu’on aurait des munsters sur la plage arrière d’une Twingo à Palavas- les- Flots un 15 août. Les obsédées du ménage (vous noterez que je le mets au féminin, non que ce travers soit réservé aux femmes, mais seules les femmes semblent décidées à le considérer comme ce que c’est : un TOC encombrant) regrettent le temps perdu et se mettent à voyager dans des pays où l’eau de Javel n’est pas commercialisée, bref, ils remettent tout à plat et envisagent la vie avec des yeux différents.
Mais d’autres, dégagés du regard social, de l’obligation de composer avec la société parce qu’ils ne travaillent plus, n’ont plus à se préoccuper d’enfants, de leurs parents, de leur patron, semblent se fermer au monde et finissent par devenir une caricature d’eux-mêmes. Tout le monde connaît ce genre de personne. L’imaginaire populaire en est truffé : Carmen Cru, les Bidochons, les Thénardiers, Arpagon… Des gens sans nuances, sans surprise. Toujours en colère, ou toujours malades, ou toujours victimes… Cela permet de ne pas avoir à se coltiner la culpabilité, la nécessité de s’expliquer, le besoin de recommencer, l’évidence de sa négligence, de ses manques, de sa naïveté… Ce que je comprends, d’ailleurs. C’est bien se voir ses bugs si on peut les récupérer, sinon, c’est plus doux de ne pas les voir…
En gros, donc, (d’après mon ressenti, ça n’a pas de valeur universelle), je vois deux modèles de vieux : le type A, qui devient l’archétype du "sage". Et le type B qui devient un instantané du vieux con.
Qu’est-ce qui fait qu’on va dans un sens ou dans un autre ?
C’est une continuité ? Un cheminement qui trouve son aboutissement ? Ou alors, un évènement a déclenché cette redistribution des cartes ? L’approche de la mort remet-elle certaines pendules à l’heure ? (mais comment peut-on oublier qu’on va mourir ?). Y a-t’il un instant où, au contraire, on se laisse aller à tendre des voiles opaques ?
Ma trouille à moi, c’est d’avoir une verrue comme ça et de ne pas le savoir. Comme le jour où mon amoureux est sorti des toilettes avec du papier rose qui sortait de son caleçon.
Alors, je cogite, je cogite… Pour pas devenir une Carmen Cru, une Castafiore, un sergent Garcia, une héroïne de Carson Mc Cullers.
Vous me le diriez hein, si je déconnais trop ?
Bon, promis, le prochain papier, je vous raconte comment mon chéri a fait de moi une dopée du vélo…