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dimanche, janvier 21, 2007

les souvenirs de mon chéri


Parfois, la torture se justifie.
Eh si ! Peuh ! Petites natures que vous êtes, âmes sensibles, chochottes ! Quand il faut, il faut ! Pourquoi ?
Parce que ça marche, tout bêtement. Moi, ça fait deux mois que je torture mon chéri pour qu'il m'autorise à mettre sur ce blog le texte qu'il a écrit pour " Les refusés". Figurez-vous qu'il me le refusait, le cuistre !
J'ai donc utilisé tous les moyens légaux et illégaux, avouables et inavouables, esthétiques ou carrément moches et puis, bah, le résultat est là : après 41 nuits sans dormir, sans un seul repas chaud, sans rapport sexuel, après 43 jours à se prendre des petits coups d'électricité dans les parties sensibles à chaque fois qu'il prononçait le mot " non" (ou les mots "fricassée de champignons"- pourquoi ? parce que ! c'est MOI le bourreau), à se laver à l'eau froide parce que je fais couler le robinet à fond à côté de la douche, à mettre des chaussettes dépareillées et des tee-shirts lavés à 250 degrés, à se faire tirer très lentement les poils du nez à chaque fois qu'il piquait de ce dernier, il a fini par céder...
Aujourdhui est un grand jour, et cette minute est décisive : le net marche, le fichier est trouvé, le mari est parti en maison de repos : le VOILA !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!




Souvenirs cinématographiques d’un Lorrain

A Georges Pérec, bien sûr et à Jean Louis Schéfer pour avoir évoqué le premier « ces films qui ont regardé notre enfance »



Je me souviens de l’unique salle d’une petite ville de Moselle des années 70 où j’ai grandi, aux sièges de cuir rouge inconfortables, qui grinçaient à chaque fois qu’on bougeait un peu et qui faisaient râler les adultes toujours trop sérieux qui voulaient le silence absolu dans la salle.
Je me souviens de ce très gros plan du visage buriné de Charles Bronson dans Il était une fois dans l’Ouest, projeté en cinémascope sur un écran immense, pendant que le son inquiétant de l’harmonica envahissait toute la salle.
Je me souviens de ces deux revolvers que ma mère m’avait acheté après le film de Sergio Leone, glissés dans un ceinturon noir clouté grâce auquel je pouvais dégainer le plus vite possible pour impressionner mes copains.
Je me souviens de ces vieux esquimaux coulants qu’une ouvreuse nous vendait pour un franc et qu’on était obligé d’avaler si vite qu’on avait mal au ventre une bonne partie de la séance.
Je me souviens de cette image du pendu qui revenait inlassablement dans le film, mystérieuse et incompréhensible pour mon jeune cerveau et dont je n’ai compris la signification que bien plus tard, lorsque j’ai redécouvert le film, dans une salle de cinéma, par une de ces après-midi caniculaires de juillet à Nancy.
Je me souviens de ma première émotion érotico-cinématographique quand Henry Fonda embrasse violemment Claudia Cardinale dans le film, d’autant que je croyais que c’était sa fille.
Je me souviens avoir observé, avec une attention maniaque, comment un homme et une femme s’embrassaient dans les films afin de reproduire à peu près les mêmes gestes quand la première fille s’approcherait de moi.
Je me souviens m’être demandé comment les gens faisaient avant, quand le cinéma n’existait pas encore, pour savoir comment on s’y prenait avec les filles.
Je me souviens d’avoir vu avec mes parents, à peu près au même âge, dans un vieux cinéma breton, pendant les vacances, une reprise d’Autant en emporte le vent et m’être endormi sur les genoux de ma mère pendant une grande partie des quatre heures de la projection.
Je me souviens avoir revu le film un soir de nouvel an, près d’Aix en Provence pendant que ma femme, enceinte de notre troisième enfant, s’inquiétait tant de ses maux de ventre
Je me souviens d’avoir vu un peu plus tard, tous les Gabin des années trente au côté de mon père, quand ceux-ci passaient encore à 20h30 sur les chaines hertziennes, de Quai des Brumes à La Grande Illusion, de Pepe le Moko au Jour se lève.
Je me souviens que ma mère disait toujours que Gabin marchait comme son père et qu’elle avait l’impression de le voir sur l’écran quand l’acteur était de dos.
Je me souviens que ma grand-mère me racontait qu’elle avait découvert La grande illusion au cinéma de son village un samedi soir, comme tous les films d’avant-guerre.
Je me souviens avoir demandé en 2005 à mes étudiants de 1ère année s’ils pouvaient me citer un grand classique du cinéma français des années trente et de leur silence embarrassé.
Je me souviens qu’en début d’année, lorsque je leur demandais de citer le dernier grand classique du cinéma qu’ils avaient particulièrement apprécié, l’un d’eux m’avait répondu sans rire : « La soupe aux choux » !
Je me souviens de leur émotion quand la caméra recadre en gros plan le visage de Jean Gabin qui dit à Michèle Morgan « : T’as de beaux yeux, tu sais » et qu’elle lui répond « Embrassez-moi ».

Je me souviens leur avoir raconté que le 14 juillet 1982, un dimanche soir, TF1 avait programmé « La Marseillaise » de Jean Renoir et de leur regard incrédule : TF1 qui passe un film de 1937 en noir et blanc un dimanche soir !
Je me souviens du mieux disant culturel proclamé par François Léotard lors de la privatisation de la première chaîne française en 1986.
Je me souviens avoir assisté à mon premier cours de cinéma, dans la salle 153 du premier étage de la faculté de Lettres de Nancy, avec Roger Viry- Babel qui parlait pendant 2 heures sans notes.
Je me souviens des vieilles chaises en bois à bascule de cette salle qui nous faisaient mal aux fesses et qui claquaient quand on se levait.
Je me souviens qu’à chaque fois qu’il y avait de nouvelles chaises à la fac, on retrouvait les anciennes au Caméo, toujours aussi inconfortables.
Je me souviens des cris pendant les séances tardives de The Rocky Horror Picture Show , le samedi soir, quand des spectateurs récitaient par cœur les dialogues du film avant qu’on ne les entende sur l’écran.
Je me souviens de ce vieux cinéma derrière le Parc Ste Marie, le Ciné Parc où j’ai découvert les films de Fassbinder.
Je me souviens d’y avoir vu le premier Godard de ma vie : « Week End » et d’être ressorti désolé de n’y avoir rien compris.
Je me souviens du cinéma porno du St Sébastien, dans lequel je serais bien allé si l’aspect sordide des spectateurs qui en sortaient ne m’avait pas tant effrayé.
Je me souviens de ces dimanches après-midi pluvieux de l’hiver lorrain où j’ai vu tant de films dont je ne me souviens plus.
Je me souviens de l’effroi de ma petite fille assistant pour la première fois de sa vie à la projection d’un dessin animé sur grand écran, passant toute la séance sur mes genoux, inquiète, en me faisant promettre que plus jamais nous n’irions voir un film sur « la grande télévision »
Je me souviens de mon premier DVD et de l’éblouissement ressenti devant une telle qualité d’image chez soi, dans le salon, disponible et visible à tout moment.
Je me souviens d’avoir vu tant de fois New York et Los Angeles sur les écrans que je n’ai plus envie d’y aller.
Je me souviens avoir préféré si souvent la vie projetée à la vie quotidienne, jusqu’à parfois les confondre.
Je me souviens, certains soirs, m’être enfoncé dans un fauteuil de cinéma d’une salle obscure comme on se vautre dans l’alcool pour éviter la lumière du monde Réel.
Je me souviens être ressorti de certains films, comblé de sensations délicieuses, comme si j’avais vraiment existé.
Je me souviens avoir été lassé du cinéma et de ne plus y être allé pendant quelques semaines.
Je me souviens avoir vu un film de Woody Allen en V.O et d’avoir regretté de ne pas le voir en VF tellement j’avais mal aux yeux.
Je me souviens du visage émacié de Dutronc dans le Van Gogh de Pialat et m’être dit que seul le cinéma, parfois, peut posséder un tel pouvoir d’incarnation.
Je me souviens avoir un peu fantasmé sur Nicole Kidman et Naomi Watts et d’avoir rêvé les voir jouer ensemble dans un film de David Lynch.
Je me souviens de tous ces films que je n’ai jamais vus et que je crois connaître parce qu’on m’en a tant parlé.
Je me souviens m’être souvent demandé de ce que je ferais de mes journées si le cinéma n’avait pas été inventé, peut-être aurais-je regardé la télé…
Je me souviens d’une soirée sans cinéma. Tristesse, lassitude, fatigue…
Je me souviens de ce slogan stupide : « quand on aime la vie, on va au cinéma » et avoir pensé exactement l’inverse
Je me souviens avoir visité le Château des Lumière à Lyon et m’être demandé comment un bourgeois si conforme, pétainiste en 1940, avait pu inventer en 1895 un procédé si audacieux appelé : le cinématographe
Je me souviens que le cinéma n’a jamais été un divertissement pour moi, ou alors au sens pascalien du terme et d’y avoir appris davantage sur les hommes que dans n’importe quel livre de philosophie.


Je me souviens de tous ces films qui ont regardé mon enfance et qui vont me regarder vieillir.

Claude Naumann

7 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Bravo kiki l'opiniâtre-obstinée pour tes coups bas ( pardon Claude)... ça valait le coup !
Merci Claude, c'est très joli ce petit morceau de nostalgie !

4:10 PM  
Anonymous Anonyme said...

Oui ça valait le coup... Vraiment... Merci Kiki, mais surtout, merci Claude... Emouvant et drôle. Un véritable regard personnel comme je les aime...

ENCORE! ENCORE! ENCORE!

4:53 PM  
Anonymous Anonyme said...

Bon, kiki, quand tu fais ta crise de ta quarantaine et que tu te barres avec un haltérophile de 15 ans et demi, tu m'appelles. Merci d'avance. LN

12:17 PM  
Blogger l'écrivaillonnne said...

Hé, ho ! Maintenant qu'il est propre, vacciné et bien éduqué, je le garde !


Ou à la limite...25/30 ans. Brun. Qui sait lire.

Ou pas...

2:20 PM  
Anonymous Anonyme said...

merde, j'ai plus qu'à attendre la sénilité (la tienne eh patate !)

10:19 PM  
Anonymous Anonyme said...

EH LES FILLES QUE CA VOUS EMPECHE PAS D'ACHETER LA REVUE!

6:33 PM  
Blogger l'écrivaillonnne said...

Un ptit pneu qu'on va la vendre, y'a deux nouvelles de MOI !!!!!!!!!!!!!!!!!!

6:55 PM  

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