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jeudi, juillet 13, 2006

to bise or not to bise


Les conventions affectivo-sociales me font chier (des fois).
Hier, un ami, un bon ami, quelqu’un que j’aime et à qui je suis censée pouvoir faire du bien avait le moral à zéro.
Il m’a dit qu’il avait besoin de réconfort, d’affection.
Normal.
Quoi de plus naturel.
Et bien j’ai pas osé.
Le prendre dans mes bras, me le coller contre moi et le consoler jusqu’à ce qu’il en ait marre de l’odeur de mon antitranspirant.
La semaine dernière, pareil. Je suis allée recueillir le témoignage d’un déporté des camps. C’est les déportés de France qui font ça. C’est tout con. Quand on retrouve un survivant et qu’il est disposé à témoigner, on va chez lui, à deux, pour plus de distanciation et d’objectivité, on branche un magnéto et c’est parti.
Ces témoignages rejoignent la mémoire pour toujours, avec la voix, les émotions… (D’ailleurs, je lance un appel, si ça vous dit, ils manquent de volontaires…). Ce sont des moments intenses, riches, avec des personnes hors du commun…
Bref, la semaine dernière, un vieux monsieur, genre général Bigeard, costaud, d’une autorité et d’un charismes évidents. Il avait 15 ans et a été déporté avec son père. Il ne l’a jamais raconté. A personne. Même pas sa femme. Elle sait qu’il a été déporté mais elle n’en sait pas plus. Ca a été son élégance de vie, ne jamais gonfler les autres avec ça…
Quand il a raconté la séparation, définitive et tout à fait lucide avec son père, il a explosé en sanglots. Des sanglots d’enfant, de petit gosse de 15 ans, avec les épaules qui tressaillent, les mains qui tremblent. Pas les larmes d’adulte qui a du chagrin, non, les larmes d’un petit qui sait que son père part à la mort.
Il s’est excusé !
De nous donner à voir sa douleur jamais apaisée.
Mais moi, j’aurais voulu prendre sa main, faire un cocon avec les miennes, pour qu’elle ne tremble plus. Ou qu’elle ne tremble pas toute seule.
Mais non, bien sûr, il n’aurait pas aimé. Parce qu’il s’est construit dans le blindage, avec l’idée que c’était une façon honorable de vivre. Pourtant, c’est de ça dont il aurait eu besoin : un petit pansement affectueux sur sa plaie affective.
Et moi non plus, je n’ai pas bougé, parce que, pour une raison purement protocolaire, cet élan naturel est cisaillé à la base. Ca m'a énervé de ne même pas tenter le coup. Si on ne se lâche pas quand on assiste à une douleur pareille, on se lâche quand ?
Ca ferait du bien de se laisser aller, pas toujours, mais parfois. En tout cas, ça devrait être une possiblité... Mais ça entre en conflit avec des comportements durement acquis. Ce qui fait qu’on finit par ne plus avoir accès à ce qui apaise. De son propre fait. Du fait des autres.
Je comprends bien, sociologiquement. On n'est pas des animaux, on retient nos désirs dans un but de paix sociale ( mais je connais quelques animaux dont j'aurais peut-être apprécié l'incivilité....). Mais bien sûr, la paix sociale de la tribu se fait au détriment du bien être individuel. Oui, je le sais. oui, c'est comme ça. C'est banal ce que je dis.

Mais ça m'énerve quand même.

On a attendu. Immobiles, silencieux. Qu’il s’apaise tout seul.
Ce qu’il a fait. Toute sa vie.
Je vous préviens, les potes : la prochaine fois que vous n’aurez pas la frite, si vous n’avez pas envie de vous faire relécher, prévenez-moi, je ne me retiendrai plus…

1 Comments:

Anonymous Anonyme said...

une fois j'ai pleuré très très fort dans un bus, moi qui ne pleure jamais ou presque devant mes proches, là j'ai pleuré comme un veau. et comme tous les gens présents regardaient leurs chaussures, j'ai fini par avoir honte. Alors je suis sortie avant mon arrêt parce que je savais que je ne pourrai pas m'arrêter de pleurer et que je dérangeais. Je comprenais qu'on ne veuille pas être indiscret, je comprenais que ce soit gênant, mais je ne comprenais pas que personne, dans un bus à l'heure de pointe ne m'ait jeté le moindre regard franc et amical. Je n'ai vu que des regards fuyants et des échines pliées, et personne pour venir prendre ma main mouillée ou me proposer un mouchoir pour qu'elle le soit moins. Je me souviens que ça m'a rendu encore plus triste, cette honte réciproque devant la misère. LN

5:04 AM  

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